Nathan MOREAU

Nathan MOREAU

JEUDI 23 MARS, 9H45

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CV:

Chirurgien oral & neurobiologiste

Maitre de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier en Médecine et Chirurgie orale 

UFR d’Odontologie, Faculté de Santé, Université Paris Cité

Service de Médecine Bucco-Dentaire, Hôpital Bretonneau, AP-HP, Paris

Laboratoire de Neurobiologie Oro-faciale (EA 7543), Université Paris Cité

Responsable de la consultation douleurs chroniques oro-faciales de l’hôpital Bretonneau

Administrateur de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur 

Membre du collège des enseignants de Médecine de la Douleur  

Résumé

Nerfs et muscles – une relation réciproque?

Les pathologies du système nerveux trigéminal (névralgies trigéminales, neuropathies trigéminales douloureuses post-traumatiques, névralgies post-herpétiques…) et celles impliquant la musculature cranio-cervico-faciale (myalgies masticatrices, syndrome myofascial…) représentent les principales étiologies de douleurs oro-faciales chroniques. Alors qu’elles sont séparées sur le plan nosologique et diagnostique dans les différentes classifications des douleurs oro-faciales (ICHD-3, ICOP-1…), l’expérience quotidienne montre que celles-ci sont en réalité liées, que ce soit sous la forme d’interrelations fonctionnelles ou de comorbidités douloureuses, à prendre en compte dans leurs traitements respectifs.

Sur le plan physiopathologique et clinique, la relation nerfs/muscles peut être conceptualisée selon 3 types d’interactions : 

  • Nerfs > Muscles : répercussions musculaires des pathologies neuropathiques trigéminales      (ex : myalgies massétérines pendant les crises de névralgie trigéminale…) ;
  • Muscles > nerfs : répercussions nerveuses périphériques et centrales des myalgies masticatrices (ex : signes dysautonomiques des syndromes myofasciaux…) ;
  • Nerfs <> muscles : atteinte concomitante du système trigéminal et des muscles masticateurs (ex : neuropathie trigéminale sensitivo-motrice, spasme hémi-facial…).

Cette présentation a pour objectif de faire une mise au point sur les différentes interactions fonctionnelles entre le système nerveux trigéminal et le système musculaire cranio-cervico-facial, illustrée par différents cas cliniques, avec une attention particulière portée aux répercussions sur la prise en charge des pathologies douloureuses de ces deux systèmes.  

VENDREDI 24 MARS, 11H00

DTM douloureux : un exemple prototypique de douleur nociplastique

Les dysfonctionnements temporo-mandibulaires représentent un ensemble fréquent de pathologies et dysfonctions de l’articulation temporo-mandibulaire et des muscles masticateurs, observés dans au moins 30 % de la population générale. Cependant, seule une minorité de ces patients vont développer une symptomatologie douloureuse pouvant évoluer jusqu’à une douleur chronique réfractaire, altérant fortement la qualité de vie, dont le traitement est très complexe. En outre, l’absence de corrélation directe entre la sévérité de la pathologie locale et/ou de la dysfonction et le tableau douloureux du patient est un facteur de grande complexité pour la prise en charge de ces patients.  

Les facteurs prédictifs de l’apparition d’un tableau douloureux chronique associé à des DTM sont toujours en cours d’exploration bien qu’il a été suggéré le rôle majeur de facteurs psychosociaux, tels que l’anxiété, la dépression, la somatisation ou le catastrophisme (axe II de Dworkin et Leresche), dans l’apparition et la chronicisation de la douleur associée aux DTM. Néanmoins, leur causalité n’est toujours pas formellement démontrée et il n’est pas exclu qu’ils soient des facteurs comorbides plutôt qu’étiopathogéniques. 

Pendant longtemps les DTM douloureux ont ainsi été classés dans le groupe des pathologies douloureuses dites « dysfonctionnelles », c’est-à-dire sans lésion ou pathologie locale significative à l’examen clinique mais qui seraient secondaires à la somatisation de problèmes psychologiques/psychiatriques, avec une stigmatisation évidente de ces patient(e)s et de leur plainte. Cette étiquette était validée à posteriori par la présence fréquente de comorbidités anxiodépressives chez ces patients et l’existence de patients présentant les mêmes atteintes fonctionnelles (ex : luxation discale réductible) mais asymptomatiques. 

L’amélioration récente de la compréhension des mécanismes neurobiologiques de la douleur a permis de mettre en évidence l’existence de douleurs secondaires à une intégration centrale anormale de la douleur au sein des différentes régions cérébrales impliquées dans la perception de l’expérience douloureuse, indépendamment de toute lésion tissulaire ou altération des voies nociceptives périphériques ou centrales. De telles altérations dites « nociplastiques » expliqueraient un grand nombre de douleurs chroniques, mais également leurs comorbidités notamment anxiodépressives, du fait de l’implication de circuits neuronaux communs (ex : voies dopaminergiques impliquées dans la douleur et la dépression).    

Cette présentation a pour objectif de présenter les DTM douloureux sous l’angle de douleurs nociplastiques, avec une mise au point sur les dernières données neuroscientifiques montrant notamment des altérations du traitement de l’information douloureuse chez les patients souffrant de DTM douloureux. Sous cet angle nouveau, il est ainsi discuté de nouvelles stratégies thérapeutiques pour la prise en charge de ces patients.